Chaque année en Europe, plus de 50 millions de tonnes d’enrobé bitumineux sont issues de la rénovation et du démantèlement des routes. Ce volume considérable pose des problèmes majeurs quant à leur stockage, leur élimination et leurs conséquences environnementales. Pour répondre à cette problématique, l’enrobé noir recyclé (ENR) se présente comme une option novatrice pour des infrastructures routières plus respectueuses de l’environnement.

Face à des réglementations environnementales toujours plus contraignantes et à une demande grandissante pour des alternatives durables, l’utilisation de l’ENR s’établit comme une solution performante et viable.

Qu’est-ce que l’enrobé noir recyclé (ENR) ?

L’enrobé noir recyclé (ENR) représente une démarche novatrice et durable dans le secteur de la construction routière. C’est un matériau élaboré à partir de granulats d’enrobé bitumineux récupérés, traités et réintroduits dans de nouveaux enrobés. Cette démarche permet de valoriser les déchets de construction, de diminuer l’utilisation de ressources naturelles et de favoriser une économie circulaire plus respectueuse de l’environnement.

Définition et composition

L’ENR est défini comme un granulat d’enrobé bitumineux récupéré, qui est ensuite transformé et réintégré dans de nouveaux enrobés. Il existe différentes sources, notamment les résidus d’usinage des centrales d’enrobage, les rabotages de chaussées lors de travaux de réfection et les déconstructions complètes de voiries. La composition de l’ENR inclut des granulats, du bitume vieilli et, selon les besoins, des additifs spécifiques visant à améliorer ses caractéristiques. On distingue divers types d’ENR, allant de l’ENR « brut » sans transformation, à l’ENR traité par criblage et concassage, et enfin à l’ENR « rajeuni » avec l’adjonction d’agents de régénération pour restaurer les propriétés du bitume vieilli.

Différentes sources et types d’ENR

La pluralité des sources d’ENR contribue à sa disponibilité et à son potentiel d’emploi à grande échelle. En plus des sources évoquées précédemment, il convient de distinguer les différents types d’ENR selon leur transformation et leurs particularités :

  • ENR « brut »: Matériau récupéré sans transformation particulière.
  • ENR traité: Soumis à des opérations de criblage et de concassage pour uniformiser sa granulométrie.
  • ENR rajeuni: Enrichi avec des agents spécifiques pour restaurer les qualités du bitume vieilli.

Normalisation et classification

La normalisation et la classification de l’ENR sont cruciales pour assurer sa qualité et sa performance dans les applications routières. Des normes européennes et nationales établissent les critères de qualité, les méthodes d’essai et les exigences particulières pour l’utilisation de l’ENR. Ces normes permettent de garantir que l’ENR respecte les exigences techniques et environnementales, et qu’il est employé de manière appropriée dans les projets d’aménagement routier. L’harmonisation des normes au niveau européen représente un défi majeur pour favoriser une plus large adoption de l’ENR. En France, la norme NF EN 13108-8 encadre l’utilisation des ENR. ( Source: AFNOR )

Les atouts de l’utilisation de l’ENR : un triple bénéfice

L’adoption de l’enrobé noir recyclé (ENR) dans le secteur de la construction routière présente une variété d’avantages, touchant à la fois aux aspects écologiques, économiques et techniques. Cette approche permet de réduire l’empreinte carbone des infrastructures routières, de diminuer les coûts de construction et d’améliorer les performances et la pérennité des chaussées. Le triple avantage de l’ENR en fait une solution essentielle pour une construction routière responsable et durable.

Bénéfices environnementaux

Les bénéfices environnementaux de l’utilisation de l’ENR sont considérables. En premier lieu, elle limite la consommation de ressources naturelles, notamment les granulats vierges, dont l’extraction influe considérablement sur les paysages et la biodiversité. De plus, l’ENR diminue la quantité de déchets envoyés en décharge, contribuant ainsi à la protection des sols et à la diminution de la pollution. Enfin, l’ENR contribue à réduire l’empreinte carbone de la construction routière, en limitant l’extraction et le transport de granulats, ainsi que la production de bitume neuf.

  • Moins d’utilisation de ressources naturelles.
  • Réduction des déchets envoyés en décharge.
  • Baisse de l’empreinte carbone.
  • Préservation de la biodiversité et des paysages.

L’emploi d’ENR peut entraîner une baisse de l’extraction de granulats vierges de 20 à 30% et une réduction des rejets de CO2 de 10 à 15% comparativement à un enrobé conventionnel. Une Analyse de Cycle de Vie (ACV) a montré qu’un enrobé composé de 30% d’ENR génère une empreinte carbone inférieure d’environ 12% à celle d’un enrobé traditionnel ( Source: ADEME ).

Avantages économiques

Les avantages économiques de l’ENR sont aussi importants. En diminuant la demande de matières premières vierges, l’ENR contribue à réduire les coûts d’achat de granulats et de bitume neuf. De plus, elle diminue les coûts d’élimination des déchets, en valorisant les enrobés usagés plutôt que de les envoyer en décharge. Enfin, l’ENR peut entraîner des économies d’énergie, notamment en diminuant les coûts de transport et de production. Le potentiel de valorisation des déchets d’enrobés offre de nouvelles perspectives économiques pour les collectivités et les entreprises.

  • Moins de coûts liés aux matières premières.
  • Réduction des coûts d’élimination des déchets.
  • Économies d’énergie.
  • Possibilité de valoriser les déchets.

Une structure viable pour la valorisation de l’ENR peut comprendre la collecte et la transformation des enrobés usagés par des sociétés spécialisées, la vente de l’ENR aux centrales d’enrobage, et la diminution des coûts d’élimination pour les collectivités. Les collectivités territoriales peuvent économiser jusqu’à 25% sur leurs frais de construction routière grâce à l’utilisation de l’ENR. L’emploi d’une tonne d’ENR peut générer une économie de 30 à 50 euros par rapport à l’utilisation de matériaux traditionnels.

Atouts techniques

L’usage de l’ENR ne nuit pas à la qualité et à la performance des chaussées, et peut même améliorer certaines propriétés techniques. Les performances mécaniques des enrobés composés d’ENR sont souvent similaires, voire supérieures, à celles des enrobés conventionnels, en fonction du dosage et de la qualité de l’ENR. La présence de bitume vieilli dans l’ENR peut améliorer la durabilité de l’enrobé, en le rendant plus résistant au vieillissement. En outre, l’ENR peut accroître la résistance à l’orniérage, une déformation permanente de la chaussée sous l’effet du trafic. Enfin, l’utilisation d’ENR permet de personnaliser les caractéristiques de l’enrobé en fonction des besoins spécifiques du projet.

  • Performances mécaniques similaires ou supérieures.
  • Meilleure durabilité.
  • Amélioration de la résistance à l’orniérage.
  • Personnalisation des particularités de l’enrobé.

Des retours d’expérience ont montré que des routes construites avec des enrobés comportant jusqu’à 50% d’ENR ont une durabilité et une résistance à l’orniérage semblables à celles des routes réalisées avec des enrobés traditionnels. Des tests en laboratoire ont révélé une amélioration de 10 à 15% de la résistance à la fatigue des enrobés composés d’ENR.

Limites et difficultés liées à l’utilisation de l’ENR

En dépit de ses nombreux avantages, l’usage de l’enrobé noir recyclé (ENR) présente certaines limites et difficultés qu’il est important de considérer pour assurer un succès à long terme. Ces contraintes se situent à la fois sur le plan technique, logistique, réglementaire et normatif. Une gestion rigoureuse de ces contraintes est nécessaire pour garantir la qualité, la performance et la sécurité des chaussées fabriquées à partir d’ENR.

Difficultés techniques

Les difficultés techniques liées à l’ENR sont principalement dues à l’hétérogénéité de sa composition, à la présence éventuelle de contaminants, au vieillissement du bitume et à la nécessité de contrôler le dosage et la formulation de l’enrobé. L’hétérogénéité de la composition de l’ENR peut entraîner des variations de performance de l’enrobé final. La présence de contaminants tels que des polluants organiques persistants ou de l’amiante peut engendrer des problèmes de santé et d’environnement. Le vieillissement du bitume peut affecter ses propriétés viscoélastiques et nécessiter l’ajout d’agents de régénération. Enfin, la maîtrise du dosage et de la formulation de l’enrobé est fondamentale pour assurer sa performance et sa durabilité.

Difficulté Technique Conséquence Possible Solution
Hétérogénéité de la composition Variations de performance de l’enrobé Tri et uniformisation de l’ENR
Présence de contaminants Risques pour la santé et l’environnement Dépollution et contrôle qualité rigoureux
Vieillissement du bitume Baisse des propriétés viscoélastiques Ajout d’agents de régénération

Contraintes logistiques

Les contraintes logistiques relatives à l’emploi de l’ENR concernent principalement la collecte, le tri, le stockage et le transport de l’ENR vers les centrales d’enrobage. La collecte et le tri de l’ENR peuvent être complexes et coûteux, notamment dans les zones urbaines. Le stockage de l’ENR requiert des espaces adaptés et des mesures de protection de l’environnement. Le transport de l’ENR peut générer des rejets de gaz à effet de serre et des coûts supplémentaires. La disponibilité de centrales d’enrobage équipées pour l’utilisation de l’ENR est un facteur limitant dans certaines régions.

  • Collecte, tri et stockage de l’ENR.
  • Transport de l’ENR vers les centrales d’enrobage.
  • Disponibilité de centrales d’enrobage équipées.

En France, environ 40% des centrales d’enrobage possèdent les équipements pour utiliser de l’ENR. Le prix du transport de l’ENR peut représenter jusqu’à 30% du coût global de son utilisation. La création de plateformes de regroupement de l’ENR permettrait d’optimiser les flux logistiques et de diminuer les frais de transport de 15 à 20%.

Difficultés réglementaires et normatives

Les difficultés réglementaires et normatives liées à l’ENR concernent en particulier l’absence d’harmonisation des normes au niveau européen, la perception négative de l’ENR par certains acteurs et la nécessité de renforcer les contrôles de qualité et la traçabilité de l’ENR. L’absence d’harmonisation des normes complique la comparaison et l’adoption de l’ENR dans différents pays. La perception négative de l’ENR, souvent liée à un manque de confiance dans sa qualité et sa performance, freine son adoption par certains professionnels. Le renforcement des contrôles de qualité et de la traçabilité de l’ENR est indispensable pour garantir sa conformité aux exigences techniques et environnementales.

Une harmonisation des normes européennes pourrait faire croître l’utilisation de l’ENR d’environ 20%. Une campagne de sensibilisation auprès des professionnels de la construction routière pourrait améliorer la perception de l’ENR d’environ 30%. La mise en place d’un dispositif de traçabilité rigoureux permettrait de garantir la qualité de l’ENR et de renforcer la confiance des utilisateurs.

Techniques et procédés d’intégration de l’ENR

L’intégration de l’enrobé noir recyclé (ENR) dans le domaine de la construction routière exige l’utilisation de techniques et de procédés appropriés pour assurer la qualité et la performance des chaussées. Différents procédés d’intégration sont possibles, allant de l’intégration à froid à l’intégration à chaud, en passant par les techniques de recyclage « in situ ». Le choix du procédé dépend de plusieurs facteurs, tels que le taux d’ENR incorporé, le type d’application et les ressources financières disponibles.

Différents procédés d’intégration

Différents procédés d’intégration de l’ENR existent, chacun présentant des avantages et des inconvénients :

  • Intégration à froid: Mélange direct de l’ENR avec des granulats vierges et un liant. Ce procédé est moins énergivore mais peut être limité par le taux d’incorporation d’ENR.
  • Intégration à chaud: Chauffage de l’ENR avant le mélange avec les autres constituants. Cette technique permet d’incorporer des taux d’ENR plus élevés, mais consomme plus d’énergie.
  • Techniques de recyclage « in situ »: Remixage ou retraitement de la chaussée directement sur place. Ces méthodes permettent de réduire les coûts de transport et de minimiser les perturbations du trafic.

Équipements et installations nécessaires

Les centrales d’enrobage doivent être adaptées pour l’usage de l’ENR, avec des broyeurs, des cribleurs et des systèmes de chauffage spécifiques. Les techniques de recyclage « in situ » requièrent du matériel particulier, comme des recycleuses à froid ou à chaud. Le choix des équipements et des installations dépend du procédé d’intégration employé et des particularités de l’ENR.

Facteurs influant sur le choix du procédé

Le choix du procédé d’intégration de l’ENR est influencé par plusieurs facteurs :

Facteur Conséquences
Taux d’ENR incorporé Détermine le procédé le plus approprié pour garantir l’homogénéité du mélange.
Type d’application Influe sur les exigences en matière de performance et de durabilité.
Ressources financières disponibles Oriente vers des procédés plus ou moins coûteux.

Régénération du bitume

Le vieillissement du bitume dans l’ENR est une difficulté significative qui peut altérer les performances de l’enrobé. Pour contrer ce phénomène, il est possible d’employer des agents de régénération qui restaurent les propriétés viscoélastiques du bitume. Plusieurs types d’agents de régénération sont disponibles, tels que les huiles minérales, les bio-liants et les polymères. Le choix de l’agent de régénération doit être adapté aux caractéristiques du bitume vieilli et aux exigences du projet. Les huiles minérales sont issues du raffinage du pétrole et ont un impact environnemental important. Les bio-liants, fabriqués à partir de matières renouvelables comme les huiles végétales ou les déchets agricoles, constituent une alternative plus durable. Les polymères peuvent améliorer les propriétés mécaniques de l’enrobé, mais leur coût est plus élevé. Il est essentiel de réaliser une analyse du cycle de vie pour évaluer l’impact environnemental de chaque type d’agent de régénération.

Applications et perspectives d’avenir

L’enrobé noir recyclé (ENR) possède déjà de nombreuses applications dans le domaine de la construction routière, et son potentiel d’utilisation continue de croître. Des innovations sont en cours pour développer de nouvelles applications et pour optimiser les procédés d’intégration de l’ENR. L’avenir de l’ENR s’inscrit dans une logique d’économie circulaire et de développement durable, où les déchets deviennent une ressource valorisable.

Applications actuelles de l’ENR

Aujourd’hui, l’ENR est couramment employé pour :

  • Couches de roulement.
  • Couches de base.
  • Accotements.
  • Pistes cyclables.
  • Parkings.

Développement de nouvelles applications

Des travaux de recherche sont menés pour élargir l’emploi de l’ENR à d’autres secteurs, comme les enrobés drainants et les bétons bitumineux très minces (BBTM). Le recyclage de l’ENR directement sur place, par remixage à froid, est également une piste prometteuse pour réduire les coûts et les conséquences environnementales de la construction routière.

Recherche et développement

Les efforts de recherche et développement se concentrent sur :

  • Amélioration des techniques de caractérisation de l’ENR.
  • Développement de nouveaux agents de régénération plus performants et écologiques.
  • Optimisation des procédés d’intégration de l’ENR.
  • Réalisation d’études sur l’impact environnemental à long terme des enrobés composés d’ENR.

Un investissement de 10 millions d’euros dans la recherche et le développement de l’ENR pourrait faire croître son usage d’environ 30% d’ici 2030. Le développement de bio-liants à partir de déchets agricoles pourrait diminuer l’empreinte carbone de la construction routière d’environ 15% supplémentaires.

L’avenir de l’ENR

L’ENR s’inscrit pleinement dans les objectifs de développement durable, en participant à la réduction des déchets, à la préservation des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique. Les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer pour encourager l’utilisation de l’ENR, en mettant en place des incitations financières, en favorisant l’harmonisation des normes et en sensibilisant les professionnels et le grand public. L’ENR est une composante essentielle de la transition vers une économie circulaire dans la construction routière.

Pour des routes plus respectueuses de l’environnement

L’enrobé noir recyclé représente une solution prometteuse pour une construction routière plus responsable et durable. Malgré les difficultés qui subsistent, les avantages écologiques, économiques et techniques de l’ENR en font une option incontournable pour diminuer l’empreinte écologique des infrastructures routières. En adoptant l’ENR, les professionnels du secteur, les collectivités territoriales et les décideurs peuvent participer à un avenir plus vert pour nos routes.